lundi 23 août 2010

Et PAF !

Nous voici au cœur de l’hiver austral, et comme promis je vais vous dire quelques mots sur la base de Port-aux-Français (PAF), la capitale de Kerguelen et, dit-on, des Terres Australes Françaises.

Vous l’aviez déjà compris, à Kerguelen il n’y a ni ville, ni village, ni route… Juste une base située au sud de la péninsule Courbet, au bord du Golfe du Morbihan et quelques cabanes disséminées aux 4 coins de l’archipel pour des besoins scientifiques.

PAF vu d'hélicoptère (photo Nathalie)

Dès 1947, en France, l’Office de la Recherche Scientifique Coloniale travaille sur un projet d’établissement permanent dans les Iles Kerguelen. Il est aidé par Aubert de la Rüe (géologue ayant déjà séjourné aux Kerguelen). L’année 1949 a été un tournant : une loi a en effet été proposée et votée. Elle avait pour but "d’affirmer et à matérialiser les droits de souveraineté de la France sur les îles australes françaises, notamment l’archipel Kerguelen, et à y envoyer dans les délais les plus brefs une mission économique, scientifique et militaire".

Arrivée en décembre 1949 avec le Lapérouse, un premier débarquement est fait à la Pointe Molloy. Il fallait alors trouver un endroit idéal pour la construction de la future base, c'est-à-dire assez plat pour pouvoir accueillir une piste d’atterrissage qui ne vit d'ailleurs jamais le jour. L’emplacement actuel de Port aux Français est choisi. Matériels et Hommes débarquent et commencent les constructions lors de la campagne d’été 1949/1950.

La première mission sur le pont du Lapérouse en 1949 (Aubert de la Rüe est 2e en partant de la gauche)

L’été suivant, en janvier 1951, les constructions continuent et le premier hivernage peut alors avoir lieu. Entre-temps, le 08 septembre 1950 le gouvernement français prend la décision "de créer un poste permanent à l’archipel des Kerguelen, comme avait déjà été créé dès 1949 un poste radio-météorologique permanent à l’île de la Nouvelle-Amsterdam...".

1950, la première mission !

Depuis les missions se sont renouvelées d'année en année jusqu'à nos jours, assurant ainsi l'occupation française permanente des Iles Kerguelen.

2010, la 60e mission !

Pour notre mission, la 60e, nous sommes 56 :

  • La Chef de District ou Disker employée par les TAAF pour diriger la base,

  • Le médecin ou Bib aidé par le VCAT médecin/infirmier ou Bibou,

  • Les militaires : les 3 corps d’armée sont représentés. La marine s’occupe du Chaland (2 personnes), de la production et distribution de l'électricité (4) et de la sécurité (1). L’armée de terre est représentée par les garagistes (3), l’enginiste (1), le chef Infra (1) et les chaud-froids (2 plombiers-chauffagistes). Enfin l’armée de l’air est en charge du BCR (Bureau des Communications et Radio, 4 personnes) et de l’Approvisionnement (1).

  • L’infra : elle regroupe tous les contractuels (15) travaillant dans le bâtiment. Ils sont présents pour la rénovation des logements. Leur nombre varie selon les besoins,

  • Les cuisines : un chef et second de cuisine, la petite Marie et le Pâteux (boulanger),

  • Les Météos (3 personnes),

  • Le CNES (Centre National d’Etude Spatiale : 2 personnes),

  • Les VCAT (Volontaires Civils à l’Aide Technique) : ils sont là pour appliquer les programmes scientifiques de l’IPEV. Pour cela, Kerguelen dispose généralement de 2 Ecobios, 1 Popchat, 3 Geophys, 1 Gener et 2 Ornithos,

  • Les contractuels de la Réserve Naturelle : ces postes sont récents. Cet hiver, 3 personnes sont présentes et travaillent sur les oiseaux, chats, moutons et rennes.

Mis à part les VATs et les contractuels de la Réserve, la plupart des gens passent plus de temps sur base qu’en dehors. Un certain nombre de choses ont donc été mises en place pour ne pas qu’ils trouvent le temps long : une salle de sport, un hall (servant à stocker du matériels lors des OP) pour jouer au foot, volley, basket ou badminton, une bibliothèque, un cinéma (Cinéker) et bien sûr, le bâtiment de vie commune où on trouve la cantine et Totoche (le bar) avec billard, babyfoot, table de ping-pong, salle de musique, jeux de société…

A gauche, le Louison (logements) et à droite, Totoche

Construction de Totoche (bâtiment de la vie communautaire) en 1968

La flottille, port de PAF

La tour Radio-Météo, bâtiment le plus ancien de PAF. Il a rénové et transformé en bibliothèque

Les "L", bâtiments servant au logement des hivernants. Il y en a 10. Ils sont en cours de rénovation.

Le L7, logement des Marins

Les "B", anciens bâtiments qui seront bientôt démolis. Ils servent au stockage.

Notre Dame des vents

Les OP du Marion-Dufresne rythment aussi la vie sur base. Dans quelques jours, le 31 août, le Marion sera de retour à Ker pour l'OP2 après 5 mois d'absence. On verra alors partir tous les militaires ainsi que les contractuels Infra, la Disker, les météos et une personne de CNES, et leur remplaçant débarquer. Gros bouleversement en perspectives.

jeudi 12 août 2010

Port Jeanne D'Arc

C’est grâce à Léo, VAT Popchat, que nous voici pour la première fois à Port Jeanne D’Arc (PJDA). Ce site historique est un des 5 lieux fréquentés par Léo pour les études qu’il réalise sur les chats. En l’aidant, nous avons pu nous rendre compte à la fois du travail qu’il mène ici, mais aussi découvrir cette ancienne station baleinière.

Port Jeanne D'Arc

Léo, popchat attentif (photo François)

Il y a un peu plus d’un siècle, le 29 octobre 1908, un bateau vapeur Norvégien, le Jeanne d’Arc, entre pour la première fois dans le Golfe du Morbihan. Grâce à un accord passé avec les frères Bossière (ayant les droits d’exploitation à Kerguelen), la compagnie norvégienne A/S Kerguelen peut chasser la baleine autour de l’archipel. Le capitaine Ring et son équipage cherchent alors un bon emplacement pour construire ce qui deviendra la seule et unique station baleinière jamais construite sur le sol français : Port Jeanne D’Arc. Elle voit rapidement le jour sur la Presqu’île Jeanne d’Arc au sud du Golfe du Morbihan.

La forge et les nombreux bidons abandonnés servant à expédier l'huile vers le continent

Tour servant à façonner les pièces des baleiniers

Restes d'un chariot

Chaudrons servant à fondre le lard des baleines et éléphants de mer

Tombe d'un norvégien décédé à PJDA au début du XXe

La chasse à la baleine et l'éléphant de mer qui va alors débuter n’aura rien à voir avec les chasses artisanales des baleiniers américains et anglais qui ont eu lieu jusqu’alors. La révolution industrielle et le développement des grandes villes, notamment américaines, entraine une forte demande en huile nécessaire à leur éclairage. Pour la satisfaire, la chasse industrielle née à la fin du XIXe siècle, use alors de bateaux vapeurs et de canons lance-harpons. Le gibier est directement traité dans des usines construites à proximité de la ressource.

La baleine était tirée sur un plan incliné puis découpée
(photo issue des panneaux d'informations de PJDA)

Probablement un treuil servant à tirer les baleines sur la plage

Jusqu’en 1926, baleines à bosse, baleines franches et éléphants de mer subiront cette chasse. L’Eclair, l’Etoile et le Régent sont de petits vapeurs qui chassent la baleine autour de l’archipel pendant que le Jeanne D’Arc fait des allers-retours vers le continent pour vendre les barils d’huile.

La diminution des populations de baleines et d'éléphants de mer, associée à la première guerre mondiale puis l’arrivée progressive de l’électricité dans les foyers, entrainent un ralentissement de l’activité dès 1914 et son arrêt en 1926.

Les difficiles conditions climatiques de Kerguelen font que PJDA se dégrade rapidement. Dans les années 90, les TAAF décident de protéger ce patrimoine et rénovent quelques bâtiments.

La station juste après sa fermeture (photo issue des panneaux d'informations de PJDA)

Cuisinière abandonnée dans l'une des bâtisses encore debout

Ancienne Doris (petit bateau)

Revenons maintenant à l'année 2010, et plus précisément, au 2 août. La fine équipe composée de Léo, Lise, Clément, Mathieu, François, Pierrick et moi débarque à PJDA pour 10 jours. Comme je vous l'ai précisé au début, c'est une manip Popchat.

de droite à gauche : Mathieu, Léo, Pierrick, François, Lise, Clément et moi

L’étude des chats à Kerguelen a été démarrée dans les années 90 par le CNRS de Lyon. En améliorant les connaissances sur l’écologie et la dynamique de ce prédateur introduit à Kerguelen dans les années 50, les TAAF espèrent pouvoir un jour l’éradiquer. En effet, sa présence sur la grande terre a eu un impact important sur les populations de certains oiseaux comme les petits pétrels nichant en terriers. L’hiver les chats se nourrissent principalement des lapins qui pullulent sur l’archipel.

Le Popchat est seul pour accomplir de nombreuses taches qui demandent une bonne forme physique ! Des observations et captures de chats ont lieu sur 5 sites : PAF, Ratmanoff, Sourcils-Noirs, Port-Couvreux et PJDA. Les « lines » consistent à marcher sur un chemin piqueté d’une certaines distance (entre 2,5 et 5 km), et de contrôler la présence de chat au alentour dans un rayon d’un kilomètre. Lors d’un contact, la distance et l’angle par rapport au point d’observation sont relevés. Trente observations sont nécessaires pour satisfaire le protocole scientifique. Selon la période de l’année, ces 30 observations sont plus ou moins difficiles à faire…

Les captures de chats à l’aide de cages et de lapins comme appât, permettent de connaitre les chats présents autour des « lines ». De la biométrie et des prélèvements (sang, poils) sont effectués sur chaque chat avant de les pucer et de les relâcher. C’est le même principe que le baguage des oiseaux ! Tout ceci permet d’obtenir un taux de survie, de mieux caractériser les populations (génétique), leurs régimes alimentaires (analyses isotopiques)… Les lapins chassés pour appâter les cages font aussi l’objet de prélèvements. Bref, avec tout ça, le Popchat n’a pas le temps de s’ennuyer !

Pose des cages sous la tempête de neige par Léo, Pierrick et moi (photo Pierrick)

Un chat ! En l'occurrence, il s'agissait d'un chat connu du nom de Clark Gable 2... (photo François)

Léo effectuant une prise de sang sur un chat endormi (photo prise à Ratmanoff en juillet)

Permission d'une journée, nous voilà partis avec les Ecobios sur le plateau du vent. La Baie des Swains nous offre un spectacle magnifique :

Marche sur le plateau du vent, direction plein sud vers le Mont des Lichens

Le Mont des lichens

L'entrée de la baie des Swains (à gauche l'îlot Gaby, à droite l'îlot Altazin, en arrière le massif Gallieni)

Lise, face à l'océan antarctique

Le lac bleu, entre la vallée des neiges à gauche, et le Val d'Ossau à droite

Une autre activité, la "Skyluge"... sensations garanties